Isabelle Régnier

Les Animaux Fantastiques,  histoire d'un bestiaire

Les Animaux Fantastiques – 2015 – Peintures réalisées librement à partir des mosaïques du pavement de l’église San Giovanni Evangelista à Ravenne (Émilie – Romagne), Italie

On suppose que le pavement de mosaïques, daté de 1213, a été offert comme ex-voto par un donateur. Ce donateur, natif de Ravenne, est rentré chez lui, sain et sauf après avoir combattu dans la Quatrième Croisade. C’est donc l’histoire d’une Odyssée médiévale. L’homme est parti en croisade et est rentré chez lui indemne de la bataille de Zara et de la bataille de Constantinople. L’histoire du pavement s’accompagne de mosaïques d’animaux qui symbolisent la nature humaine avec ses vices et ses vertus. Dans ma transcription en peinture, lors de mon séjour à Ravenne en février 2015, j’ai choisi des mosaïques qui sont censées représenter les vertus : un bœuf, un cerf, deux poissons, une licorne. En outre, ces animaux sont symboles de Foi, Espérance, Charité et Pureté. On trouve également dans le pavement, des animaux dont les mosaïques figurent les vices. J’ai choisi : un Tigre, un Griffon, une Lamia, une Sirène, un Renard et une Oie. Dans le Bestiaire médiéval, ces créatures ont la particularité de symboliser le Diable sous l’aspect de la séduction, la colère, la ruse, la vanité (La Fable de Renard et la Fable de l’Oie). Dans mon interprétation picturale, il n’est pas certain que les animaux représentés soient réellement vertueux ou vicieux. Par exemple, le chien, figure vertueuse dans le christianisme associée à l’image du « bon pasteur » veillant sur son troupeau, n’a rien d’un animal attirant en peinture. À l’inverse, l’Oie, considérée vicieuse dans la Fable de l’Oie aux Œufs d’Or (figure de la cupidité), est transfigurée dans ma peinture comme un animal vertueux par son caractère visionnaire et sa vigilance en souvenir des Oies du Capitole à Rome en 390 avant JC. contre l’invasion des gaulois. En conclusion, cette série de peintures pourrait se lire comme une bande dessinée qui dépasserait l’esprit d’un Bestiaire médiéval, dont les animaux font l’objet d’une représentation moralisée, c’est à dire à l’époque, la traduction d’une vision codée, inspirée par la Bible et les Écritures, l’expression d’une interprétation manichéenne du monde comme il va, fondé sur la confrontation du bien et du mal. Puisque l’homme, dorénavant, n’est plus contraint de se soucier du salut de son âme éternelle, à chacun son chemin, à chacun son bestiaire, à chacun son engouement pour la gent animale aussi fantasmée soit-elle, afin de servir d’exemple et indiquer aux êtres humains la voie à suivre dans le perpétuel combat entre les « vices » et les « vertus ». Pourvu que l’on puisse en rire !